Matérialisme
Quelques réflexions utiles concernant le "matérialisme" :
Certaines personnes se présentent en tant que matérialistes ayant pour but de convaincre les gens non avisés que tout est matériel, y compris la conscience, étant entendu que la vie spirituelle est sans objet.
Il paraît parfois inutile d'essayer de les convaincre du contraire. Le monde humain est comme une mosaïque, multicolore, fait de convictions multiples, selon le degré de nécessité d'approfondir les réalités fondamentales.
Néanmoins, il n'est peut-être pas tout à fait inutile de citer les arguments "matérialistes", présentés sous forme d'un vague syllogisme, et de souligner leurs failles afin d'aider les gens sincères dans leur démarche, mais dont le sens critique et l'observation ne sont pas encore assez développés pour pouvoir détecter les faux arguments et se protéger de ces derniers.
Nous présentons ici l'une des principales formes d'argumentation utilisée par les intellectuels "matérialistes" pour essayer de prouver que la conscience est de nature matérielle.
Articulation ordonnée du raisonnement des matérialistes :
1. Énonciation : "La conscience est de nature matérielle".
· [Dans cette phrase ni la conscience, ni ce qui est de nature matérielle, n'est défini préalablement].
2. Indice : "Parce que tout ce qui existe est de nature matérielle".
· [Le terme "tout" est vague. Pour l'opposant du matérialiste, le mot "tout" peut très bien comprendre une chose de nature matérielle et une entité non matérielle, la conscience. En l'absence de définition précise de chacune des deux entités, le matérialiste n'a pas donné la preuve du caractère matériel de la conscience. La phrase prise pour indice : - "Parce que tout ce qui existe est de nature matérielle" - ne représente pas avec exactitude l'exemple classique d'un indice valide : - "l'existence de la fumée" - qui sert à inférer sans aucune contestation possible "le feu caché derrière la colline". Par conséquent, cette phrase ressemble vaguement à l'indice d'une concomitance invariable mais elle est trompeuse].
3. Exemple illustré :
· Exemple à l'extérieur : " Une poterie en forme de cruche".
[La cruche est considérée comme une chose matérielle, mais cela ne prouve pas que la conscience, la notion de 'Je', est aussi de nature matérielle. Lorsqu'on perçoit une cruche, on perçoit effectivement un objet matériel, c'est incontestable, mais la perception de la conscience (sujet percevant) n'est pas identifiable à la perception d'une cruche (objet perçu)].
· Exemple à l'intérieur : " La conscience, le "Je pense" ".
[L'exemple "Je pense" ne représente ni un exemple valide, ni une concomitance invariable. D'abord il n'y a pas de preuve que la partie 'Je' épouse la même nature que celle de la partie 'pense'. La pensée a un caractère matériel à cause de sa perceptibilité et de son changement, lesquels sont les caractéristiques propres d'une chose matérielle. Par contre, pour être confirmée, l'existence de la notion de 'Je' ne nécessite pas l'application des moyens de connaissance (Pramana) : perception sensorielle, inférence, témoignage oral ou écrit. L'existence d'une entité matérielle est connue par un des trois moyens de connaissance précités. Une cruche est connue grâce à la perception sensorielle. Un feu caché derrière une colline est connu grâce à l'inférence, l'existence d'une entité matérielle ne peut être connue avant la fin du processus des moyens de connaissance. Or, dans l'expression "Je pense" l'existence de la notion de 'Je', la notion d'exister, est évidente, avant même que le processus ne commence. Cette certitude de l'existence de la conscience, en tant que notion de 'Je', est préalable à tout déclenchement du processus des moyens de connaissance. Il s'ensuit que la conscience n'est pas une entité matérielle, bien qu'elle fasse partie du "Tout", car elle n'obéit pas à la loi d'une entité matérielle, à savoir qu'une chose matérielle est connue seulement après la fin de l'application des moyens de connaissance].
Concomitance entre la conscience et la pensée :
Cette concomitance se présente de la manière suivante :
- "Où se trouve une pensée se trouve la conscience". La pensée peut changer, prendre des formes diverses, mais la conscience reste la même, "Je suis", "J'existe". Cette concomitance est correcte.
- "Où se trouve la conscience se trouve une pensée". Cette concomitance n'est pas invariable, car on remarque que dans l'état de coma et celui de sommeil profond la conscience (le Soi) existe, mais la pensée n'existe pas. Pour exister, la pensée dépend de la conscience, mais la conscience (le Soi), ne dépend pas d'une pensée pour exister.
En conclusion, l'expression "Je pense" n'est pas un exemple de "Tout est de nature matérielle", car "Je pense" est composite, association de matériel (la pensée) et de non matériel (la conscience).
D'autre part, le matérialiste veut pratiquer l'inférence en vue de démontrer que tout est matériel, donc il doit montrer une concomitance exigée par la loi de l'inférence. Mais "Tout" ne peut pas être à la fois le lieu d'inférence où l'opposant a des doutes et le lieu où l'on établit la concomitance. Le lieu où l'on établit la concomitance invariable doit être en dehors du lieu d'inférence. La concomitance invariable entre la fumée et le feu est établie en dehors de la colline, dans la cheminée. Lorsqu'on infère le feu, non perceptible, caché derrière la colline, on se réfère à la concomitance invariable entre le feu et la fumée établie en dehors de la colline. Or, lorsque "Tout" est pris pour le lieu d'inférence, il n'y a pas d'autre lieu où l'on peut établir la concomitance.
La conscience est indépendante de la pensée :
Dans l'état yogique, les individus suppriment volontairement leurs pensées sous forme de suppression des fluctuations mentales et vivent dans la joie. Leur témoignage démontre que la conscience de soi peut exister avec les pensées, ou sans les pensées, du fait que la conscience, le Soi, ne dépend pas des pensées pour exister.
Les matérialistes ont toujours vécu avec des pensées et n'ont jamais fait l'expérience d'une existence sans pensées, de ce fait ils sont persuadés que la conscience est aussi une entité matérielle puisque les pensées sont des entités matérielles. C'est la raison pour laquelle ils prétendent que tout est matériel. Ils vont maintenir leur conviction erronée jusqu'à l'arrivée du doute concernant la réalité du Soi de l'individu.
Lorsque l'individu sera envahi inévitablement par l'insatisfaction, l'angoisse permanente, le problème d'être heureux réellement restera sans solution véridique à cause de sa conviction relative à la nature de la conscience.
Matériel /Non-matériel. Définitions :
Ce qui est matériel est :
- perceptible ;
- produit ou effet d'une cause matérielle ;
- transformable ;
- impermanent ;
- limité, relatif, non absolu ;
- conditionné, dépendant d'autres choses ;
- composé de membres ou d'attributs distincts ;
- révélé par autre chose que soi-même ;
- sans conscience de soi par soi-même.
Ce qui est non matériel est :
- non perceptible ;
- non produit par une cause matérielle ;
- non transformable ;
- etc.
En bref, dans le contexte d'un enseignement sur la connaissance de la conscience, le terme "matérialiste" fait référence à ceux qui pensent que la conscience, qu'ils identifient à la pensée, est de nature matérielle. Au contraire, d'après les non matérialistes, basés sur l'expérience directe de Soi, la conscience est non matérielle. C'est ce qu'enseigne le Vedanta.