Enseignement du Vedanta


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Pourquoi la Connaissance du Soi ?

Dans la voie spirituelle, l'objectif principal est la connaissance du SOI. Pourquoi ? Parce que toutes les expériences faites par le corps et le mental concernent la conscience, (l'être conscient, soi-même).

Nous avons l'impression d'avoir une connaissance réelle de nous-même mais cette quasi certitude confuse limitative et illusoire est la base principale des diverses pathologies spirituelles : orgueil, volonté de puissance, arrogance, intolérance, possessivité, jalousie, mensonge, malhonnêteté, indécense, indignité, manque de respect et de compassion, corruption ; impuissance, impatience, frustration, culpabilité, peur ; crispation, agressivité, totalitarisme, violence…

A cette fausse connaissance s'associe le doute qui, - lorsqu'il prend la forme d'une quête positive -, constitue le début de l'investigation sur la nature réelle de soi-même (de la conscience, de l'être conscient.)

- Pourquoi douter positivement de Soi ?

Entre ce à quoi nous aspirons et ce que nous trouvons il y a de l'incohérence.

Nous ne pouvons pas nous contenter d'une joie de vivre fragile, incomplète. Nos insatisfactions et aspirations incessantes le prouvent.

- Que signifie la connaissance de Soi, (de l'Etre, de la Conscience) ? Le Soi lui-même peut-il être l'objet de sa propre connaissance ?

Disons-le sans détour, d'après les traditions de sagesse, la Connaissance de Soi est indépendante des professions de foi et croyances religieuses ou non religieuses.

En effet, du point de vue des grands Sages (les Rishis) de la tradition vedantique, -point de vue qui oriente notre propos -, la connaissance/expérience du Soi est directe et immédiate.

C'est une expérience/connaissance "métaphysique", "supramentale".

- La "Révélation" ne résulte pas essentiellement d'un acte de foi envers telle ou telle 'révélation' manifestée par une tradition religieuse ou non religieuse. Ce n'est pas le fruit de l'imagination ou d'une spéculation intellectuelle basés sur des impressions ou apparences phénomènales objectives ou subjectives.

La "Révélation", - manifestée subtilement dans les Vedas et, syntétisée dans le Vedanta -, est l'Expérience/Connaissance intime, directe et immédiate de Soi-même, de la Conscience pure.

Ainsi, le but réel de la quête spirituelle, n'est pas seulement et par priorité de prendre conscience de l'ego relatif mais de dé-couvrir directement la réalité suprême de l'ego. Découvrir la Conscience 'supra- universelle' grâce à qui l'ego peut prendre connaissance de la manifestation et de l'absence de manifestation de l'ego, des pensées, des phénomènes, des événements, des mondes,…

Parallèlement à l'évolution ordinaire des savoirs "mondains" mais à l'inverse de ceux-là, la 'Révélation' ne se rapporte pas à l'accroissement ou à la progression de connaissances plus ou moins subtiles. Elle consiste en une désaccumulation mentale, en un dé-voilement de la conscience - en la dé-couverte du Révélateur Lui-même. Connaissance immédiate, directe, non dépendante, non conditionnée, non annulable, illimitée. Révélation du vrai Soi, de la Conscience pure, de l'Etre réel.

- La dé-couverte de Soi exige le désillusionnement, l'annulation de la fausse connaissance de Soi.

Sans nier aucunement l'ego, le Soi réel se révèle tout simplement en tant que tel lorsque les faux aspects de soi n'occultent pas le vrai Soi. C'est dans le silence mental que se révèle la nature réelle du Soi alors que les fluctuations émotionnelles et mentales restent tout simplement ce qu'elles sont : relatives, impermanentes.

- Nous faisons donc une distinction nette entre 'Conscience' et 'science'.

Les raisonnements logiques, scientifiques, ont pour base l'inférence, c'est-à-dire la concomitance invariable.

Mais, l'inférence n'est pas applicable dans le domaine de la Connaissance de Soi. En état de pureté de conscience ('samaddhi'), - c'est-à-dire, lorsque le mental est complètement apaisé, stable, ouvert, attentif et réceptif ,- les connaissances logiques, 'scientifiques', ainsi que les fausses connaissances, l'irrationnalité, la superstition, etc., perdent leur prédomination. C'est l'état de Conscience claire, libre, non limitée.

Bien entendu, les connaissances et expériences empiriques 'de bon sens', les inférences valides, les connaissances et expériences scientifiques non contraires à une éthique irréprochable, sont incluses qualitativement en la Connaissance de Soi. Elles sont inséparables de la Conscience illimitée qui les révèle, les éclaire, et leur donne une valeur essentielle indéfectible.

Pédagogie du Nyaya

La pédagogie du Nyaya est appliquée pour explorer tous les enseignements métaphysiques de l'Inde. En voici les principaux points :

  1. Uddesa : Affirmer l'existence d'une réalité
  2. Laksana : Définir de manière juste la réalité affirmée
  3. Sandeha : Exercer le doute positif
  4. Vicara : Pratiquer l'investigation discernante

L'enseignement du Nyaya représente la protection des débutants contre les fausses idées introduites par des adversaires rusés.

Affirmation

L'affirmation doit être faite en un langage clair, sans ambiguïté et à l'opposé du charabia.

Définition

La définition ne doit pas être entachée par les défauts cités ci-après :

  1. Extension insuffisante
  2. Surextension
  3. Impossibilité

Le doute peut survenir chez les personnes non avisées, ayant entendu plusieurs opinions contradictoires.

L'investigation doit être faite dans un souci de cohérence ; elle doit être aussi vérifiée et validée par l'expérience personnelle.

Transformations (Parrinama)

Lorsqu'une chose apparaît sous un autre aspect, ayant changé de caractéristiques, il s'agit alors d'une transformation. Exemples : le lait s'est transformé en yaourt.

Illusion (Adyasa, superposition)

Lorsqu'une chose apparaît sous un autre aspect, sans avoir changé de caractéristiques, c'est le cas de l'Illusion. Exemples : une corde apparaît en tant que serpent ; une croyance limitative apparaît en tant que vérité universelle.

Comment peut-on affirmer l'existence de quelque chose et l'absence de quelque chose ?

Réponse : Par les instruments de connaissance (les cinq sens + le mental) nous pouvons affirmer l'existence de quelque chose et par les mêmes instruments nous pouvons affirmer aussi la non-existence de la même chose. Ex : L'existence d'un son sera constatée par l'ouïe et son absence sera constatée également par le même instrument, l'ouïe. Cette précision est nécessaire pour éviter des polémiques stériles dans l'étude de la métaphysique.

Perception de la non-existence (Abhava Pratyaksa)

La non-existence de quelque chose est perceptible au même titre que son existence, puisqu'un individu peut constater les deux. La perception de la non-existence peut être réalisable seulement dans les conditions mentionnées ci-après :

  1. La perception d'un lieu où la non-existence sera constatée. Par exemple, pour percevoir la non-existence d'une rose, il faut préalablement percevoir un lieu où la fleur est censée être perçue.
  2. La connaissance préalable de ce qu'est une rose ; autrement l'individu se bornera à percevoir un lieu, une table, par exemple, et de ce fait, il ne pourra pas dire : " Il n'y a pas de rose sur cette table. "
  3. La condition requise pour percevoir la rose. Ni l'existence, ni la non-existence d'une rose ne peuvent être perçues dans l'obscurité.
  4. Le souvenir d'une rose.

Définition de la connaissance juste (Pramâ)

Premièrement, la connaissance juste est celle qui est acquise pour la première fois (Anadhigata) en percevant une réalité telle qu'elle est. Lorsqu'une personne perçoit une deuxième fois la même réalité, sa perception est associée à la mémoire de cette réalité. Cette connaissance est appelée Pratyabhijna.

Deuxièmement, la perception ne peut être annulée (Abadhita) par une connaissance ultérieure de la même réalité. Le percevant ne peut dire : " l'objet que j'ai perçu n'existe pas ou n'existe pas en tant que tel. " Chaque objet de connaissance se présente sous deux formes : " en tant que 'ceci' " et en tant qu'une caractéristique donnée, par exemple, " ceci est une rose ". L'individu perçoit chaque objet à deux niveaux. Par exemple, une rose est perçue premièrement, en tant que 'ceci' (quelque chose) et deuxièmement, (après étiquetage mental), en tant que 'rose' ; troisièmement, la perception doit être détachée des doutes.

Annulation d'une Connaissance

L'annulation d'une connaissance consiste à cesser de percevoir l'objet avec sa caractéristique incertaine et à le percevoir avec sa caractéristique propre. Cette situation représente le cas d'illusion ou d'erreur. Par exemple, lorsqu'un individu croit avoir perçu un serpent dans la pénombre et constate, à la suite d'une perception ultérieure, que l'objet perçu précédemment n'est pas un serpent, mais une corde, il annule sa connaissance précédente (celle d'un serpent). Cette annulation concerne trois temps (passé, présent, futur) et non seulement le présent.
L'individu ne peut pas dire que cet objet (la corde) n'est plus un serpent, mais il dira plutôt que cet objet n'a jamais été un serpent et ne le sera pas dans le futur. L'acquisition de notre vraie connaissance du Soi, à la suite de l'annulation de notre fausse connaissance du Soi, par la discipline spirituelle requise, entre dans cette catégorie de destruction de l'illusion.


Qu'il s'agisse d'une connaissance juste ou fausse, c'est l'ego, la notion de 'Je' qui est concernée. Certaines fausses connaissances portent préjudice à la santé, certaines autres au moral et la fausse connaissance du Soi crée la pathologie mentale.

Définition de la mémoire (Smrti)

La mémoire est la reproduction d'une connaissance précédente, et se manifeste exclusivement à partir des empreintes de cette dernière. Les empreintes se produisent aussi bien à la suite d'une connaissance juste que d'une connaissance fausse. La mémoire produit aussi des empreintes. Ainsi, l'individu se souvient qu'il s'est souvenu de quelque chose. Une bonne mémoire est un facteur d'efficacité mentale si elle n'est pas quantitativement encombrée d'empreintes désiquilibrantes.

Perception associée à la mémoire (Pratyabhijna)

Lorsqu'un individu perçoit une nouvelle fois une personne ou un objet, sa nouvelle perception n'est pas une perception simple, mais elle est associée à la mémoire de sa perception précédente, appelée Pratyabhijna dans la métaphysique indienne. Le lieu et le temps peuvent être différents de ceux de sa perception précédente, mais l'objet de ces deux perceptions est reconnu comme étant le même. Ces détails sont importants en ce sens qu'ils nous permettent de distinguer l'illusion des autres formes de connaissance. Les gens non avisés peuvent confondre l'illusion avec la Smrti et la Pratyabhijna. Cette dernière est la preuve de l'existence d'une conscience immuable parmi les fluctuations mentales non permanentes.

Il faut noter que non seulement les objets de connaissance sont mémorisés, mais les moyens de leur connaissance le sont aussi, lors d'une perception. Lorsqu'un individu connaît un arbre, il sait aussi par quel moyen de connaissance il le connaît, c'est-à-dire par la perception sensorielle. Lorsqu'il se souvient de quelque chose, il sait aussi qu'il ne la perçoit pas directement. De même pour la Pratyabhijna. Ces détails sont également importants pour distinguer l'illusion des autres formes de connaissance, car une perception illusoire n'apparaît pas comme une illusion lors de la perception. C'est seulement lors de la connaissance du substratum de l'objet que le caractère illusoire de la perception est découvert.

Définition de l'entité matérielle (Jada)

La définition de l'entité matérielle, selon la métaphysique indienne, englobe tout ce que nous considérons habituellement comme une entité matérielle, tels que le monde sensible, notre corps grossier etc., mais aussi une certaine réalité que nous ne sommes pas habitués à mettre dans la catégorie des choses matérielles, c'est-à-dire l'ego de l'individu, ses émotions, ses sentiments, ses pensées. Deux critères sont cités ci-après pour définir une chose matérielle :

  1. Une entité matérielle est perceptible (Drstatva).
  2. Une entité matérielle est assujettie aux changements (Parinamitva).

Selon ces deux définitions, non seulement les phénomènes extérieurs, mais aussi le 'Moi' de l'individu (la notion de Je, la pseudo conscience) sont une entité matérielle. On remarque qu'une partie de la personnalité de l'être humain est perceptible et une autre partie représente le révélateur (la conscience). Un être humain perçoit sa douleur associée à son Soi. Un être humain perçoit non seulement ses propres états, mais aussi les changements qui surviennent dans ces derniers.
On peut en conclure que le connaisseur qui révèle les états et leurs changements chez une personne ne peut pas être une entité matérielle, sinon il y aurait une régression à l'infini. Il s'ensuit que ce révélateur est la Conscience Pure, le vrai Soi de l'individu. Nos souffrances proviennent de la confusion entre le vrai Soi et l'ego, une entité matérielle.

Lien entre le Yoga, le Samkhya et le Vedanta

Les enseignements des trois écoles de métaphysique citées ci-dessus sont principalement étudiés et adoptés par des personnes désireuses de suivre la voie spirituelle en vue d'acquérir la connaissance de Soi. Le mot Yoga évoque en premier lieu l'ouvrage du sage Patanjali intitulé " Yoga Sutra". Dans cet ouvrage, la signification du terme 'Yoga' est clairement établie dans les premier et deuxième Sutra du premier chapitre. Il s'agit tout d'abord de l'état parfait du Citta (le milieu mental), appelé Samadhi, et en deuxième lieu de la connaissance de Soi, acquise par le Yoga (par la concentration mentale). En relation avec ces deux buts principaux, tous les enseignements indispensables sont donnés dans cet ouvrage.

En Occident, le mot Yoga a une connotation différente. Ce terme évoque principalement les postures yogiques (Asana) et certains exercices de respiration etc. qui suscitent l'intérêt principal d'un grand nombre d'Occidentaux. Dans l'ouvrage Yoga Sutra, les réalités principielles (Tattva) , les disciplines morales et les exercices pratiques dont un chercheur spirituel a besoin sont amplement enseignés. Un individu ne peut entreprendre une recherche spirituelle sans connaître de quoi l'homme est fait. C'est la raison pour laquelle on trouve dans l'ouvrage Yoga Sutra des enseignements relatifs à la pratique de la concentration mentale, en même temps qu'aux réalités principielles qui forment l'être humain.

Les idées relatives aux réalités principielles exposées dans l'ouvrage Yoga Sutra (Linga matra, ahiga etc...), sont empruntées à la doctrine du Samkhya (Samkhya Karika). A quelques détails près, elles sont parfois exprimées avec des mots différents de ceux du Samkhya. Ces deux doctrines se bornent à souligner principalement la nature essentielle de la Conscience Pure, la Plénitude, tout en se référant à son caractère individualisé apparent. Les auteurs de ces deux ouvrages ont probablement été persuadés que l'homme a essentiellement besoin de connaître la nature réelle du Soi de l'individu pour entreprendre la destruction de son Ignorance.

Dans le Yoga Sutra l'idée de la posture yogique est clairement définie dans la rubrique Asana. La façon avec laquelle la pratique des Asana contribue au silence mental et à la découverte de la réalité du Soi est bien soulignée. Mais les enseignements concrets relatifs aux Asana proviennent des autres ouvrages, complémentaires au Yoga Sutra, tels que le Hathayoga Pradipika, le Gheranda Samhita dans lesquels les postures yogiques sont bien définies ainsi que les exercices de respiration (Pranayama).

Quant au Vedanta, il enseigne une dimension "cosmique" de la conscience de l'individu. Son aspect individualisé provient de la limitation illusoire réalisée par la Maya. En dehors de la Libération par la destruction de l'Ignorance, le Vedanta enseigne l'unité entre tous les êtres vivants. La Libération n'est pas envisageable aussi longtemps que l'individualité restera l'identité fondamentale de l'homme. Selon le Vedanta, tous les êtres vivants, toutes espèces confondues, sont les aspects divers d'une seule entité, la Conscience Pure, appelée Brahman dans le Vedanta, dont la nature est la Plénitude.
Les termes utilisés dans le Vedanta sont adaptés à la perspective d'une recherche spirituelle. Le terme Maya provient du radical 'Ma' qui signifie mesurer.

La Maya est le synonyme du voile de l'Ignorance qui mesure la Conscience Pure, lui donne une dimension individuelle sous forme d'ego. Le terme Maya signifie aussi l'Illusion, en ce sens que l'existence de la Conscience Pure est constatée sous forme d'ego, lequel est oeuvre illusoire de la Maya.

Le terme Brahman signifie celui qui recouvre tous les phénomènes, extérieurs et intérieurs, qui est le substratum universel de ces derniers. L'existence d'aucun phénomène ne peut être constatée en dehors de celle de Brahman (Conscience). Dans le silence mental du yogi, il est reconnu en tant que son propre Soi ; en tant qu'Etre, Conscience et Félicité (Satchitananda).

Le terme Adhyasa signifie superposition. Les oeuvres de la Maya, principalement la notion de Moi, sont superposées à son substratum, Brahman. Ainsi, l'individu, par l'illusion d'optique de sa Conscience, se considère comme un ego, circonscrit par son mental et son corps, assujetti à la joie et à la souffrance, tout en étant réellement la Conscience Pure.

Les moyens de Connaissance juste (Pramana)

Brièvement il y a trois moyens de connaissance juste cités ci-après :

  1. La perception sensorielle (Pratyaksa)
  2. L'inférence (Anumana - la concomitance invariable)
  3. L'Écriture sainte (Agama) ou la parole d'un sage (Apta).

 

Les affirmations de l'Écriture, telles que "l'homme est essentiellement la Conscience Pure, immuable "…, ont deux ennemis :

  1. La conviction que "cela est impossible " (Asambhavana)
  2. La connaissance erronée, que l'homme est une entité matérielle (Viparita Bhavana).

Les affirmations des écritures révélatrices essentielles (Vedanta) concernant la réalité de l'être humain, bien que justes, ne sont pas acceptées d'emblée par des gens non avisés, car selon leur propre croyance erronée, bien qu'elle paraisse juste à leurs yeux, l'homme ne peut pas être la Conscience Pure. C'est l'évidence même pour eux du fait qu'ils vivent selon leur identité limitée, basée sur la sensation psychosomatique.

La deuxième ennemie de la révélation essentielle du Vedanta est la connaissance erronée, voire l'Illusion, des gens non avisés concernant la réalité du Soi de l'individu. Une perception illusoire apparaît comme une perception vraie. Le percevant ne doute pas de la validité de sa perception. Le percevant d'un serpent illusoire ne doute pas de la réalité de son objet de perception, avant de découvrir son substratum, la corde, l'objet vrai.

C'est la raison pour laquelle, pour être intégrale, l'enseignement du Vedanta doit être suivi d'efforts complémentaires en vue d'éliminer les obstacles précités. Ces efforts sont d'une part la réflexion juste, appelée Manana dans le Vedanta et, d'autre part, l'expérience directe de la réalité du Soi dans le silence mental, appelée Nididhyasana dans le Vedanta.

Lorsque les trois Pramana sont applicables dans un cas de connaissance, c'est la perception directe qui est prépondérante. On peut percevoir directement un feu en montant sur la colline derrière laquelle il est caché. On peut aussi inférer le même feu, en percevant seulement son indice, la fumée. On peut connaître l'existence du même feu, également par la parole d'un messager. Malgré la possibilité d'appliquer les trois Pramana, lorsque le feu est perçu directement, la perception est devenue prépondérante, car les deux autres Pramana se sont avérés superflus. Il en est de même en ce qui concerne la connaissance du Soi.

Les domaines des trois Pramana

Nous remarquons que dans certains cas l'écriture, exclusivement, est le moyen de notre connaissance. Par exemple, nous connaissons l'existence du Paradis uniquement par certains écrits qui énoncent son existence, car, en fait il n'est pas sensoriellement perceptible. Il n'y a aucun indice non plus qui puisse nous faire connaître par inférence l'existence du Paradis.

Dans certains cas l'inférence est le seul moyen de connaissance. Par exemple, de l'intérieur d'une maison nous connaissons l'existence de l'orage, uniquement par l'inférence, en entendant le bruit du tonnerre qui est son indice.

Dans certains cas, la perception directe est le moyen exclusif de connaissance. Par exemple, nous connaissons nos mains directement, par la perception, les autres moyens de perception sont superflus. Lorsque les trois moyens de connaissance sont applicables sur un seul objet de connaissance, il y en a un qui est prépondérant, celui qui répond à toutes les questions concernant la réalité à connaître.
Lorsque le feu, caché derrière la colline, est connu directement, par la perception, il ne reste aucune question à poser par le percevant, car il voit le feu sous ses yeux. De même, la Réalité Suprême de l'individu (la Conscience Pure) peut être connue par trois moyens de connaissance : l'Écriture (le Vedanta), l'inférence et l'expérience personnelle dans le silence mental.
C'est l'expérience personnelle, la connaissance directe de l'individu qui est prépondérante. Elle répond à toutes les questions et élimine toutes les idées floues et erronées concernant la Réalité Suprême de l'être humain. C'est la raison pour laquelle l'enseignement du Vedanta se situe à trois niveaux :

  1. Sravana : L'écoute ou la lecture des textes du Vedanta pour prendre conscience de la nature réelle du Brahman, du Soi.
  2. Manana : La réflexion juste pour éliminer les idées fausses concernant la Réalité Suprême (Etre-Conscience-Félicité).
  3. Nididhyasana : La connaissance directe de la Réalité Suprême grâce à l'expérience personnelle vécue pendant la concentration mentale yogique (Samadhi).

 

La notion de causalité

Définition des trois causes selon le Vedanta.

On peut appeler cause : une entité indispensable à un effet et qui précède cet effet. Trois sortes de causes sont reconnues dans le Vedanta :

  1. La cause substantielle (Parinami Karana).
  2. La cause efficiente (Nimitta Karana).
  3. La cause substratum (Vivarta Karana).

 

Définition de la cause substantielle : (Parinami Karana)

La cause substantielle est celle qui se transforme réellement en un effet et apparaît sous un aspect différent de son aspect originel. Exemple : le lait se transforme en yaourt. Une motte d'argile se transforme en cruche. Le Voile de l'Ignorance se transforme en ego. Ainsi, une cause substantielle peut être successivement transformée en plusieurs effets.

En ce qui concerne la cause substantielle primordiale, l'origine matérielle de l'univers, elle est éternelle, tout en subissant plusieurs transformations ou des transformations successives (Parinami Nitya). Elle est appelée la Maya ou l'Avidya dans le Vedanta et la Prakrti dans le Samkhya (voir l'ouvrage Samkhya Karika.). Elle n'a pas d'existence indépendante. Elle existe grâce à l'existence de son substratum (Asrya), la Conscience Pure, Brahman.

 

Définition de la cause efficiente (Nimitta Karana)

La cause efficiente est celle (un être conscient ou autre chose) qui intervient dans une cause substantielle pour que cette dernière se transforme en un effet. Exemple: le potier pour une cruche.
En ce qui concerne l'univers, l'Isvara Caïtanya (la Conscience Pure reflétée dans la Maya) est considéré comme la cause efficiente, mais il n'est pas la cause suprême de l'univers. La cause suprême est le substratum, le Brahman (Conscience pure).

 

Définition de la cause substratum (Vivarta Karana)

La cause substratum est celle qui apparaît comme un effet sans être transformée en un effet, ni être affecté par l'attribut d'un effet. Prenons l'exemple de la corde qui est la cause substratum du serpent illusoire. La corde n'est pas transformée en serpent illusoire, ni affectée par les caractéristiques propres à un serpent.
De la même manière, la cause substratum de l'univers, la Conscience Pure (Brahman ), n'est pas transformée en un univers ni affectée par la dualité et par l'impureté de ce monde. Elle est la Réalité suprême de tous les êtres vivants et du monde sensible. Elle est immuable (Kutastha Caitanya).

 

A propos du Pramana

L'analyse du Pramana nous permet de reconnaître, dans leur totalité, les réalités principelles constituant un être vivant (Jiva). Avant une expérience vécue, les connaissances acquises par les Écritures restent vagues, mais la perception sensorielle est concrète. Quel que soit le moyen de connaissance, celle-ci est réalisée grâce à la totalité des réalités principielles, y compris la Conscience Pure. C'est en analysant un processus de connaissance que nous pouvons appréhender la trace de la Conscience Pure.
C'est la raison pour laquelle la rubrique Pramana occupe une place très importante dans toutes les écoles de métaphysique, y compris dans celles des matérialistes qui cherchent à nier l'existence de la Conscience dans un être vivant.

Une connaissance est réalisée par la transformation de certains éléments de l'individu, en particulier par des fluctuations mentales. Lorsqu'un individu perçoit une cruche, par exemple, la vue subit une transformation en recevant l'impression de la cruche. Ce nouvel état de la vue envoie un message au mental qui reconnaît l'objet, par ses fluctuations, en tant que cruche, soit "ceci est une cruche ". Le mental transmet le message à son tour à la notion de 'Je' qui annonce "Je vois une cruche ".

La notion de 'Je', prise pour la vraie Conscience par les gens non avisés, est aussi une entité matérielle à cause de sa transformation. Tout ce qui est transformable et perceptible représente une entité matérielle. La perception d'une cruche est un changement de la notion de 'Je' par rapport à son état précédent, lorsqu'elle ne percevait pas cette dernière. Une entité matérielle ne peut affirmer sa propre existence. C'est la raison pour laquelle la notion de 'Je' a aussi besoin d'un révélateur qui affirme l'existence de la notion de 'Je' avec son aspect spécifique: " Je vois une cruche ". Etre le révélateur signifie être le substratum de la chose à révéler.

Cet ultime révélateur ne peut être une entité matérielle, car il y aurait une régression à l'infini. Cet ultime révélateur est la Conscience Pure qui confirme l'existence de la notion de 'Je', la pseudo conscience, avec tous ses aspects. Il n'existe aucune entité matérielle qui ne soit pas associée à son révélateur, son substratum, la Conscience Pure. C'est la Conscience Pure qui dit: " Je sais que je vois la cruche ", mais elle le fait en utilisant la parole de la notion de 'Je'.

[Nota bene : "La lecture du résumé ci-dessus ne permet pas d'assimiler l'enseignement du Vedanta de manière assez précise, approfondie et complète. En complément, lire aussi, entre autres textes, l'introduction aux Brahma sutra]. Pour ceux qui veulent sincèrement approfondir et expérimenter cet enseignement, la relation directe (orale ou écrite) avec un enseignant authentique est vivement conseillée.

Il est évident qu'un enseignement aussi subtil et profond ne peut être compris au même degré par tous ceux qui le reçoivent. Les plus intéressés, les plus intuitifs, les plus qualifiés (adhikârîs), c'est-à-dire capables d'en retirer un bénéfice effectif, en découvriront l'Essentiel, alors que d'autres, trop conditionnés par les "savoirs" mondains, ne pourront passer au delà du plan formel de l'énoncé."

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