L'ignorance


Brève explication de l'Ignorance (Avidya) :

On parle d'ignorance dans la vie quotidienne. C'est important, car si l'on parle d'une chose, elle doit être reconnaissable. Sinon, impossible d'en donner une définition valable. Celui qui parle de l'ignorance l'aura constatée par les moyens de connaissance dont il dispose : perception directe, inférence juste, témoignage valide, oral ou écrit. En conséquence, il pourra la définir correctement.
Si l'on peut définir les îles Fidji ou la planète Neptune, par exemple, c'est qu'on a pu les percevoir et les situer. Un consensus sur la validité de leur existence a été établi par la suite.

Beaucoup de personnes pensent que l'ignorance, assimilée à l'absence de connaissance, ne peut pas être connue en tant qu'entité matérielle. Mais l'absence de connaissance d'une chose est impossible. Pour constater l'absence d'une chose, il faut l'avoir connue au préalable. Par exemple, si je ne savais pas du tout ce qu'est une rose, je ne pourrais pas en constater l'absence. De même pour toute autre chose, tant sur le plan grossier que dans le domaine subtil.
Le terme 'ignorance' désigne donc, non pas l'absence de connaissance de quelque chose, non pas l'inconscience, mais une connaissance limitée, partielle, confuse, erronée, illusoire... de quelque chose qui existe.

Lorsque nous nous mettons à observer attentivement nos propres expériences, il apparaît que nos erreurs, nos illusions, nos problèmes, nos souffrances, ne sont pas séparables de leur cause, l'ignorance. Lorsque, dans la pénombre, on prend une corde pour un serpent par exemple, il est bien évident que l'illusion (Adhyasa) ne vient pas de la corde elle-même. Ce n'est pas la corde qui s'est changée en serpent, ni un serpent réel qui s'est substitué à la corde. Ce n'est pas notre absence de perception qui a transformé la corde en serpent ; c'est notre conscience qui, sous la forme d'une fausse connaissance, a révélé un serpent à la place d'une corde.

L'ignorance n'annule pas la réalité. L'ignorance est une entité matérielle qui, par sa nature propre, voile la conscience délimitée par les phénomènes perceptibles dont la pseudo-conscience, l'ego, occupe la première place. Nous devons donc nous interroger sur la conscience, car l'ignorance n'est jamais extérieure à la conscience. C'est toujours la conscience qui constate effectivement un défaut de connaissance. Mais alors, comment se fait-il que nous ayons l'impression d'être inconscients de quelque chose ? Comment se fait-il que l'inconscience soit considérée comme ayant une existence réelle ? Tout simplement, parce qu'une entité illusoire peut nous donner l'impression d'être réelle, par superposition de l'irréel sur le réel (Adhyasa).

La Conscience, substratum des phénomènes perçus et non perçus.

La cause substratum qu'est la Conscience, est nécessaire à la révélation de tous les phénomènes perçus ou non perçus, vrais ou faux. Mais elle ne peut pas être mise directement en cause dans la production des perceptions limitées, ni dans celle de l'inconscience ou de l'illusion car la Conscience pure, de nature non matérielle, ne se transforme pas, n'agit pas, ne produit rien.
C'est la cause substantielle, l'Ignorance - de nature matérielle - qui voile ou manifeste les phénomènes, ce n'est pas la Conscience.
Toutefois, l'ignorance n'existe jamais en tant que réalité absolue. Son existence est toujours partielle, impermanente. Si l'ignorance était une réalité absolue, on ne pourrait pas la supprimer. Si elle était une totale non-réalité, on n'en constaterait jamais l'existence. L'ignorance est une connaissance incomplète ou erronée de la réalité. Elle consiste à prendre une chose pour une autre. Seule la connaissance juste permet de la faire disparaître.

Dans la vie empirique, c'est notre conscience, notre faculté individuelle de connaissance juste (Buddhi) qui est chargée de pallier à l'ignorance. Si elle ne le fait pas, elle doit être mise au banc des accusés. Pour connaître quelque chose sans erreur, cette faculté (Buddhi) doit être claire, attentive, vigilante, concentrée. Lorsqu'elle n'est pas soumise à l'agitation ou à l'inertie, la Buddhi apprécie chaque élément de la vie à sa juste valeur, elle situe chaque chose à sa juste place, tant sur le plan objectif que dans le domaine subjectif.

L'ignorance concernant soi-même consiste à prendre la conscience pure (le Soi) pour une conscience limitée. On fait passer l'ego (la pseudo-conscience, l'être limité) à la place de l'être véritable. Dissoudre cette ignorance au moyen de la connaissance juste est indispensable si nous voulons libérer la conscience des erreurs, illusions et souffrances qui la recouvrent.

Pour le Vedanta l'ignorance ne se situe pas seulement au niveau de la vie empirique. Les sages libérés (Rishis), nous enseignent que l'Ignorance cosmique est la cause fondamentale des multiples formes d'ignorance qui se superposent sur la Conscience. Etant de nature matérielle, cette cause n'est pas absolue. Dans l'expérience de méditation profonde (Samadhi), la découverte de la Conscience pure fait disparaître l'Ignorance cosmique et ses effets.

En bref, l'Ignorance et ses phénomènes sont illusoires car ils n'ont pas d'existence par eux mêmes. S'ils donnent l'impression d'exister, c'est grâce à l'existence réelle de la Conscience pure sur laquelle ils sont superposés dans la confusion. La cause substratum, la Conscience, est nécessaire à la révélation de tous les phénomènes perçus ou non perçus, vrais ou faux. Mais elle ne peut pas être mise directement en cause dans la production des perceptions limitées, ni dans celle de l'inconscience ou de l'illusion car, la Conscience pure, de nature non matérielle, ne se transforme pas, n'agit pas, ne produit pas.