Brahma sutras
L'ouvrage intitulé Brahma Sutra (Catu sutri), dont l'auteur est le sage Vadarayana Vedavyasa *, explicite l'enseignement du Vedanta contenu dans les Upanisad et représente le fondement de la spiritualité de l'Inde. Swami Vivekananda a dit : "Toutes les personnes dans le monde entier ont intérêt à étudier le Vedanta. Premièrement parce que sa révélation de la Vérité a un caractère universel qui peut convenir aux chercheurs authentiques de toutes traditions religieuses. Deuxièmement parce que ses enseignements sont seuls en harmonie avec les résultats obtenus par les investigations scientifiques relatives au monde extérieur. Troisièmement parce que ses conclusions découlent d'une analyse rigoureuse et cohérente. "
L'ouvrage Brahma Sutra traite les sujets concernant d'emblée les intérêts vitaux d'un être humain soucieux de trouver la Paix. Il s'agit de la réalité de la Conscience, de la pureté de cette dernière qui demeure non affectée, immuable, parmi les éléments qui sont des sources de souffrance pour l'individu.
Le texte du Brahma Sutra, avec les commentaires de Sankaracarya **, apporte la clarté sur tous les problèmes de compréhension concernant la cause suprême de l'univers ainsi que de la conscience individualisée et répond à toutes les questions venant des autres écoles de métaphysique qui propageaient des affirmations non précises. Ainsi Sankaracarya a rétabli l'ordre dans les démarches pour la Paix qui ont été affectées par des situations chaotiques, causées par des affirmations contradictoires. Ainsi, il a mis à leur juste place les enseignements concernant le Soi de l'individu, la causalité, la création de l'univers, le "gérant" de ce dernier, la libération; les enseignements donnés par les matérialistes, par les doctrinaires bouddhistes, par le Nyaya, par le Samkhya;
La pédagogie de Sankaracarya consiste à approfondir une réalité qui est évidente pour tous les êtres humains, quelle que soit leur appartenance religieuse ou non religieuse et qui ne dépend pas préalablement d'une croyance. Il s'agit de la notion de 'Je' , " Aham Pratyaya ". Toute investigation ou tout approfondissement commencent par quelque chose de partiellement connu. Une chose inexistante n'est pas concernée par une connaissance juste ni par une connaissance erronée.
Ainsi, Sankaracarya a démontré dans ses commentaires qu'en approfondissant la notion de 'Je' l'homme peut acquérir la connaissance de toutes les réalités principielles dont il a besoin en vue de suivre le chemin de la Paix, car les fruits de toutes nos expériences convergent vers la notion de 'Je' qui est l'indice même de l'existence de la réalité suprême de Soi, la Conscience Pure, voilée par la réalité apparente de l'individu . Par conséquent, l'homme peut aussi découvrir la cause réelle de ses souffrances ainsi que sa vraie destinée.
En tant que conclusion des Upanisad, Sankaracarya a affirmé qu'il s'agit d'une Réalité unique, la Conscience Pure, dont les manifestations illusoires sont les phénomènes intérieurs et extérieurs de l'homme. C'est la raison pour laquelle l'école de Sankaracarya est appelée celle de " l'Advaita Vedanta " , le Vedanta non dualiste.
En dehors de l'école de l'Advaita Vedanta, suivie par les personnes qui s'appuient principalement sur la connaissance de Soi pour la Libération, il existe deux autres écoles qui interprètent le Vedanta. L'une fut fondée par le sage Ramanuja dont la doctrine est connue sous le nom de " Vishistadvaita Vada " , le Vedanta non dualiste mitigé, qui reconnaît l'existence de deux réalités distinctes : celle d'un être suprême -Isvara- et celle des consciences individualisées -Jiva- en tant que parties intégrantes de la première. La tendance principale des adeptes de cette école consiste à pratiquer la dévotion.
L'autre, fondée par le sage Madhvacarya, dont la doctrine est connue sous le nom de " Dvaita Vada ", Vedanta dualiste, qui affirme la différence absolue entre l' être suprême - Ishvara- et les consciences individualisées -Jiva-. Les adeptes de cette école pratiquent d'une manière absolue la dévotion en rejetant toute idée d'unité avec le Seigneur de l'univers, ainsi que celle d'avoir la même nature que ce dernier.
Mis à part ces différences d'optique concernant le Soi, ces écoles très variées cohabitent en harmonie en tenant compte des niveaux différents de compréhension et du but recherché dans la voie spirituelle de personnes très variées. Les enseignements de ces écoles convergent vers la discipline spirituelle, la conduite morale (la non violence) et la méditation.
Sankaracarya a fait des mises au point sur tous les sujets en se référant d'une part aux Sruti (les Écritures), qui ne relèvent pas des arguments ni de l'inférence, et d'autre part aux expériences de la vie des individus. Ainsi, il a fait des mises au point importantes sur les orientations de la vie. En s'appuyant sur les comportements instinctifs des gens, les ritualistes accordaient une importance exclusive sur les injonctions des Veda dont les motivations étaient avant tout d'acquérir le bien-être ici-bas et dans l'au-delà .
Ce qui les différenciait des matérialistes, c'était que les ritualistes reconnaissaient l'existence post mortem de la Conscience, sans toutefois approfondir la nature véritable de cette dernière, alors que selon les matérialistes l'être vivant n'est qu'un agrégat spécifique des éléments constituant le corps et assujetti à la destruction après la mort. Cette situation a créé un terrain favorable à l'apparition des enseignements du Bouddha qui insistaient avant tout sur la nécessité de détruire les souffrances en détruisant l'Ignorance de Soi qui en est la cause.
Les enseignements du Bouddha ont été bien accueillis par le peuple à cause de leur simplicité et répandus pendant quelques siècles par les doctrinaires bouddhistes. Par la suite, ces derniers ont commencé à perdre de leur influence, car les gens se sont aperçus que nonobstant leurs principes moraux très nobles, leurs affirmations métaphysiques ne correspondaient pas à la réalité de certains éléments de la vie qui sont évidents pour tous.
L'une des œuvres de Sankaracarya a consisté à mettre en évidence l'inexactitude de leurs affirmations concernant certaines réalités de la vie dont la compréhension juste est indispensable à la recherche de la Vérité. Ainsi il a abordé d'emblée les sujets fondamentaux qui sont : le Soi de l'individu, la causalité, la mémoire, le sommeil profond et l'Illusion. À la suite des précisions apportées par Sankaracarya sur ces sujets, les doctrinaires bouddhistes ont perdu de leur influence .
Sankaracarya a fait également une mise au point importante à l'intention des ritualistes. Ces derniers prétendaient que les injonctions vediques qui incitent les gens à pratiquer des cérémonies rituelles en vue d'obtenir le bien-être ici-bas et dans l'au-delà représentaient, à elles seules, les enseignements du Veda et que les Upanisad sont incluses dans le contexte des injonctions . Par une analyse rigoureuse des Upanisad, grâce à la sémantique et en se référant à l'aspiration profonde de beaucoup de gens, Sankaracarya a démontré que les Upanisad représentent une Écriture à part entière, bien distincte des injonctions vediques dont l'orientation est très différente de celle des ritualistes.
Sankaracarya a souligné que vivre en état de joie uniquement au moyen du corps et des sens ne représente pas la seule aspiration d'un être humain. Beaucoup d'individus, après mûre réflexion, constatent que vivre dans une joie éphémère, suivie de souffrance, est contraire à la nature de la Conscience. A cet effet, contrairement aux ritualistes, ces êtres aspirent avant tout à la connaissance juste de Soi et à la destruction de l'Illusion relative au Soi. Les enseignements des Upanisad répondent amplement à la demande de ces êtres sages. Dans ses commentaires sur les Brahma Sutra, Sankaracarya a explicité cette valeur de la Sruti.
* L'époque du sage Vadarayana Vedavyasa se situe environ au deuxième
siècle avant Jésus- Christ. +
** L'époque de Sankaracarya se situe environ au huitième siècle
après Jésus-Christ. +
+ A History of Indian Philosophy, publiée par la Cambridge University