Réel et irréel
Le mécanisme de la confusion entre réel et irréel demande quelques explications. En tant qu'humains nous disposons de tous les éléments nécessaires à une perception accomplie: un percevant, quelque chose à percevoir et un processus de perception. Cela nous permet de percevoir tout ce qui peut se manifester, le vrai comme le faux. Par exemple, lorsqu'on voit une pomme réellement présente dans une coupe parmi d'autres fruits, si l'on est attentif, on a spontanément la certitude, dès le début de l'observation, qu'il s'agit bien d'une pomme. L'effort développé qui consiste, ensuite, à la toucher, la prendre et la déguster, dépend de cette perception initiale non trompeuse. Mais il existe des cas où une perception que l'on croit juste ne l'est pas en réalité. Il peut arriver par exemple que l'on perçoive illusoirement de l'eau dans un désert aride, ou que l'on confonde une personne avec une autre par inadvertance.
Les modalités du processus de perception sont assez complexes. Parmi
ces modalités particulières, l'effort, qui est nécessairement
engagé dans tout processus de perception, peut prendre deux formes
principales :
- l'effort ayant pour fruit une perception juste. C'est le premier des exemples
précédents ; l'effort atteint son but, la dégustation
de la pomme ;
- l'effort ayant pour fruit une fausse perception. On voit de l'eau, on s'approche
pour boire, mais il n'y a pas d'eau. On croît reconnaître une
personne, on va lui parler, mais on aperçoit quelqu'un d'autre. L'effort
n'atteint pas son but : boire de l'eau, parler à la personne connue.
Dans le cas de la connaissance juste (perception de la pomme), nous n'avions pas de doutes, la validité de notre perception n'avait pas besoin d'être confirmée après vérification par une autre perception ; notre conscience n'étant perturbée par aucun obstacle, notre perception initiale n'était pas trompeuse. Dans le cas de la fausse connaissance (absence d'eau, confusion avec une autre personne), nous ne doutions pas non plus de la validité de notre connaissance au moment initial de la perception, cependant nous étions dans l'illusion. Pourquoi ? Parce que, par eux mêmes, nos instruments de perception corporels, sensoriels et mentaux ne peuvent pas faire le tri entre le vrai et le faux. Ils se contentent de présenter à la conscience, à l'ego, les phénomènes perceptibles. S'il ne vérifie pas sa connaissance, l'ego peut prendre pour vrai ce qui ne l'est pas. Il peut aussi douter, exercer son attention, décider de se rapprocher de l'objet de perception, faire tout ce qu'il faut pour se dégager des obstacles qui s'opposent à une connaissance juste.
La quête spirituelle dévoile ce mécanisme. Tout individu est à la recherche d'un "breuvage" délicieux réellement désaltérant : la plénitude du Soi, mais, sans le savoir clairement, beaucoup de personnes sont dans l'impossibilité d'étancher leur soif, comme ce voyageur, dans le désert, assoiffé, trompé par ses sens et son mental.