Introduction au Vedanta
Cette révélation nous fait comprendre que le sommeil profond est un état sans états. Mais cet 'état de Soi', cette Conscience-Témoin, imperceptible par le biais de nos instruments individuels de perception, connu indirectement par inférence juste ou témoignage valide, n’est ni physique ni mental. Ce n’est ni ceci, ni cela. C’est donc un état ‘métaphysique’ et ‘métapsychique’. L’arrêt des fluctuations mentales, en état de ‘méditation’ profonde (samadhi), est nécessaire à sa découverte directe (à son dé-voilement immédiat). Ce dévoilement est capital pour comprendre la nature essentielle de l'être vivant, de l’être humain, de tous les êtres, de toutes les choses.
Cette découverte (dé-couverte) - libératrice de l’Ignorance - est nommée le ‘Quatrième état’
par la tradition vedantique.
A ce propos, voici ce que dit un texte vedantique anonyme daté du XIXème siècle :
" Si tu te demandes ce qu’est ta vraie nature, son nom est Turiya" qui signifie ‘le Quatrième’ (état).
Ce nom est approprié, il semble dire : ‘les trois états de ton expérience – veille, rêve et sommeil profond – te sont étrangers;
ton véritable état est le quatrième, qui est différent de ces trois-là’.
En supposant que ces trois états (veille, rêve et sommeil profond) forment ensemble un long rêve,
le quatrième représente le réveil mettant fin à ce rêve.
Ainsi, il est plus profond que le sommeil profond, et en même temps plus ‘éveillé’ que l’état de veille.
Ton véritable état est donc ce ‘quatrième’, se distinguant de tes états de veille, sommeil avec rêves, et sommeil profond.
Tu es cela uniquement.
Qu’est-ce que ce quatrième état ? Il est Connaissance, sans différenciation, étant pleine Conscience de Soi-même. "
[Extrait du livre Tout est Un (Ellam Onru) - Enseignement du Vedanta – Editions Nataraj]
En réalité, si cette distinction entre troisième et quatrième état a semblé utile à quelques instructeurs, elle n'est pas envisagée par Shankaracarya. Le sommeil profond est vraiment Conscience pure.
Comme j’ai essayé de le faire comprendre plus haut, et comme l’indique cet extrait si nous l’élucidons intelligemment, le sommeil profond n’est pas vraiment un quatrième état. C’est l’état Primordial. C’est le substratum des états passagers : veille, rêve et de toutes les manifestations quelles qu’elles soient.
Si l'on écarte le corps, les facultés sensorielles et mentales, il reste, en apparence, ce qui les révèle : le percevant, la conscience individualisée, l'ego. Mais, comme je l’ai abondamment expliqué, celui-ci n'est pas le vrai Soi.
L'ego, cette forme relative de soi-même, cet aspect ‘formel’ de la Conscience universelle, est limité. Ses connaissances et expériences sont partielles, incertaines, insatisfaisantes. Transitoire, changeant, il apparaît et disparaît sans cesse.
En revanche, le vrai Soi des êtres humains et de tous les êtres n’est limité par aucune forme, par aucun conditionnement. Il n’est ‘ni ceci, ni cela’. C’est ce qu’enseignent les Rishis (les Sages, révélateurs du Vedanta).
Le reflet d’un corps, n’est qu’une apparence de ce corps. Toutefois, bien que distinct de ce corps, il en est réellement inséparable. L’ego est comme une ombre. L’ombre n’existe pas sans la présence du Soleil. Elle est inséparable du Soleil. De même, l’ego, reflet apparent du Soi, est inséparable du Soi inconditionné, illimité.
En état de ‘samadhi’(Conscience pure), aucune dualité ne peut exister entre l’ego et le Soi. Le reflet du Soi (l’ego), - débarrassé de l’ignorance, des fausses connaissances, des illusions -, ne s’identifie plus à aucune ‘individualité’ (ou ‘personnalité’) spécifique, à aucune apparence relative et éphémère. Il laisse la priorité au vrai Soi. Lorsque l’individualité laisse la place au vrai Soi, aucune dualité, aucune division, aucune confusion ne reste possible. C’est l’état illimité de Soi-même : "Sat-Chit-Ananda" : ‘Etre absolu-Conscience pure-Joie inconditionnelle’.
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Libération de l'Ignorance, dé-couverte, dé-voilement, ‘lâcher prise’, - ces expressions significatives peuvent paraître irréalistes et illusoires aux ‘matérialistes’ très attachés aux aspects relatifs du corps, des sens, du mental et de l'ego -, elles indiquent pourtant ce qui peut être ‘vécu’ réellement par tout chercheur motivé et sérieux.
L'être humain avisé sait qu'il n'est pas son corps, ni ses sens, ni son mental. Une observation attentive permet d’écarter ces trois notions et de faire comprendre qu'elles sont distinctes du sujet percevant. Ce percevant, ce "moi", si utile dans la vie, est le révélateur et l'expérimentateur du corps, des émotions, des sentiments, des pensées... Un ‘matérialiste’ peut parvenir jusqu'à cette conclusion. Mais il ne cherchera pas à approfondir, à subtiliser son investigation. Il prendra conscience des aspects relatifs, positifs ou négatifs, que peut revêtir ce ‘moi’, mais il ne pourra pas découvrir qu’en réalité l'ego se superpose au vrai Soi, à la Conscience pure.
Aucun être n'est totalement ignorant de son existence en tant que "soi-même", mais si ce soi n'est pas révélé dans sa pureté inhérente, l'ego s'identifie illusoirement à un être limité, vulnérable et éphémère.
Pour se libérer de cette identification illusoire et insatisfaisante, aucune connaissance, aucune pratique d’ordre ‘matérialiste’ ou ‘spiritualiste’ ne convient, comme nous le verrons par la suite, si ce n’est en tant que moyen de préparation à la révélation spontanée, directe et immédiate, de la plénitude du Soi. Tant que l'ego nous apparaîtra comme s'il était notre vrai Soi, la plénitude du Soi ne pourra se révéler, l'incertitude, l'insatisfaction, l'angoisse et les souffrances occuperont sans relâche le devant de la scène. [Note 3]